Grand amateur des premiers Godzilla, de l'époque Showa, j'ai découvert grâce à un ami l'existence d'un livre écrit par Fabien Mauro*, (le seul actuellement en français sans doute) sur l'oeuvre cinématographique d'Ishiro Honda, réalisateur du tout premier film de mon kaïju préféré.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aborderais exceptionnellement l'aspect "objet" du livre, lequel me paraît important dans un tel ouvrage.
Edité par les Editions Rouge Profond dans la collection Raccords, Ishiro Honda - humanisme monstre, est un ouvrage en format"grand poche" qui au premier abord ne laisse pas une impression exceptionnelle.
Avec une photo de couverture qui manquera d'être signifiante pour le contenu de l'ouvrage, ni ne sera d'une grande lisibilité (et ne parlons pas de la police du titre ou de la maison d'édition**), le lecteur aura peut-être une hésitation avant de se procurer un exemplaire.
En matière d'usage compulsif, la tranche collée perd rapidement de sa solidité et les pages se détachent. Une autre déception est la petite taille des extraits visuels, toutefois nombreux.
Il m'est aussi arrivé de détecter des coquilles, ce qui me semble anormal pour un ouvrage culturel, à fortiori de référence***.
Au delà de ces quelques réserves quant à l'objet, il faut saluer l'initiative de Rouge Profond pour avoir édité sur un sujet aussi pointu : le travail d'Ishiro Honda, principalement au titre de la SF. En effet Si Fabien Mauro n'oublie pas de mention son activité hors œuvres de l'imaginaire, ce sera en grande partie pour relater ses collaborations avec Akira Kurosawa.
Sur le fond, l'auteur s'attache à démontrer la place centrale dans la SF japonaise d'Ishiro Honda - et non uniquement dans le domaine du kaïju eiga -, mais aussi ses qualités de documentariste, pour ensuite développer les thématiques transversales à sa filmographie.
Le lecteur y trouvera une somme de références pouvant le guider dans sa connaissance du réalisateur ainsi qu'une porte sur l'histoire des effets spéciaux nippons de l'époque, portés par Eiji Tsuburaya.
Ainsi, dans un premier temps ce dernier avait envisagé d'employer les techniques de stop-motion pour Godzilla, comme pour le King Kong de 1933, mais devant le budget et le temps nécessaire, le spécialiste des effets spéciaux se redirigera vers l'utilisation savamment orchestrée de maquettes (et certaines scènes - hors acteurs déguisés, passent très bien le passage du temps) et d'acteurs revêtant des costumes de kaïjus.
De façon incidente et parce que Ishiro Honda est indissociable du célèbre kaïju, ce livre dévoile ce qui a fait les godzilla de la première époque, dépassant de simples films de divertissements.
Ils étaient l'occasion pour le réalisateur de parler de sujets de société et de capter l'atmosphère de l'époque (post guerre, conséquences d'Hiroshima et de Nagasaki, pour le premier, évolutions sociétales, économiques, rapports entre les pays pour les suivants) tout en n'oubliant jamais dans son aspect documentaire de montrer les paysages, la terre, et de parler de l'humain dans son individualité - ce qui a été vraisemblablement oublié dans shin godzilla (godzilla resurgence), dernier avatar actuel moderne du kaïju.
L'ouvrage montre également le rôle prépondérant de la production dans la tendance à humaniser et positiver le rôle de ces kaïjus pour toucher un public plus enfantin, malgré la désapprobation d'Ishiro Honda.
Celui-ci aura également été l'auteur de films de SF intéressants pour l'époque tel que The first gas man, avant de se libérer de ses obligations envers la Tôhô et de retravailler avec Akira Kurosawa à partir de Kagemusha.
Quant aux thématiques transversales de l'oeuvre, la place du Japon et la notion d'utopie, des femmes, l'existence des monstres en tant que miroirs de l'âme humaine sont autant de sujets abordés dans cet ouvrage au demeurant passionnant pour l'amateur de SF japonaise ancienne, de kaïjus eiga ou des curieux de son oeuvre. Alors un livre à conseiller ? Absolument.
* Journaliste semble-t-il, intervenant notamment pour l'écran fantastique.
** ex : le mot profond est illisible sur la photo de couverture
*** p36 : "kodayama yondeiru" (un écho appelle) => le terme correct en japonais est kodama.
p87 : "La créature stoppe son les dégâts (...)"
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