dimanche 26 août 2018

Retour sur les films d' Ozu Yasujiro

J'ai aimé avant de commencer à comprendre, ne serait ce qu'un peu, l'œuvre du cinéaste Ozu. Aussi, la lecture en cours de l'ouvrage de Hasumi Shigehiko sur Ozu (Editions Cahiers du Cinéma) et l'occasion de (re)voir certaines oeuvres grâce à une rétrospective concomitante aux cinémas le Louxor* (du 1er au 21 août 2018) et le Champo* , est une occasion de revenir sur cet engouement.





Plus qu'un "anti-cinéma", une "essence zen japonaise", un "théâtre de la banalité", Shigehiko tenta de briser certains stéréotype et de montrer qu'Ozu Yasujiro conçut progressivement sa propre grammaire du cinéma, c'est à dire l'utilisation d'un formalisme  personnel pour montrer des transitions sociétales, sans jugement, mais avec la nostalgie des temps anciens, le plus souvent la disparition de la famille traditionnelle japonaise. Ainsi il atteste de son éclatement, c'est à dire le passage d'une vie à trois générations sous le même toit à seulement deux, l'ouverture au mariage non arrangé (à l'initiative directe des enfants), la question du rôle du 3e âge dans la société, etc...

Dans ce formalisme nous pouvons relever : des objectifs fixes de 50 - "plus proches de l'oeil humain", des caméras près du sol - les fameux "plans tatamis", afin d'un d'être proche de la vie d'une famille dans les demeures japonaises de l'époque, des thématiques cinématographiques (les lieux pour hommes ou pour femmes, la nourriture, la place de la fenêtre et son ouverture... arrêtée par un mur dans un jardin - le regard ne porte pas souvent dans le lointain -, les sujets de conversation du quotidien et le message essentiel se transmettant d'une autre façon...)

Les hasards de la programmation et de mes occupations m'ont empêché au final de voir plus de trois films, ce que je regrette. Ainsi, j'espère profondément que Carlotta sortira des versions en blu Ray des 10 films de ces dernières restaurations.


Été précoce (麦秋, Bakushū - 1951) - NB :

Je n'avais encore jamais vu ce film là et sans doute un des plus anciens visionnés, à l'exception du goût du riz au thé vert ou du père.

L'épure que l'on retrouvera dans les derniers films est moins présente ; j'y ai trouvé presque plus d'humour, de jeux des enfants etc.... Et il y a plusieurs taquineries sur "la chose" dans 3 ou quatre dialogues, bien plus que dans les ozu que j'ai vu.

Centré sur la fille d'une famille, jouée par Setsuko Hara, qui prend la décision de se marier sans prendre conseil préalable auprès de ses parents.

Fleur d'équinoxe,  (彼岸花 Higanbana - 1958) - Couleurs :

Avec un humour plus discret, le film centre son propos sur Wataru Hirayama (joué par Shin Saburi), homme d'affaire saisi par ses contradictions : issu d'un monde traditionnel, c'est un homme reconnu, auprès de qui l'on vient prendre conseil, conseil qu'il donne en tentant de se montrer moderne. Mais il se retrouve tiraillé quand il apprend que sa fille a trouvé un homme avec qui elle veut se marier, sans le consulter.

Bonjour ( お早う - Ohayo - 1959) - Couleurs :

Point de fille à marier dans ce film là, mais la rébellion de deux enfants qui décident de ne plus dire un mot suite à une dispute avec leurs parents, lesquels parents reprochent à leurs enfants de parler pour ne rien dire quand ils font part du désir d'avoir une télévision. Conflit de génération, donc et reproche en retour des enfants à propos des adultes et de leurs habitudes à parler de la pluie et du beau temps etc, sans que ces mots aient un sens essentiel. Et une discussion centrale sur le sens du langage, l'utilisation des mots du quotidien dans la société...


A noter, en regardant plusieurs fois ces films notamment sur grand écran, je me mets à porter mon attention sur des détails ou choses étonnantes, dont :
- une petite surprise de trouver une illustration avec une silhouette de femmes nues dansantes dans Eté précoce (quand les jeunes filles vont prendre un café), ou de tableau de femme nue stylisée dans le bureau du chef d'entreprise d'Equinoxe d'Automne.
- j'ai toujours l'obsession, dans ces décors étudiés (à l'exception des scènes en extérieur, ozu aurait surtout filmé dans les studios de shochiku), de déchiffrer une affiche, un produit, de regarder quels objets ont été utilisés ou réutilisés dans les films suivants, etc... 

Ainsi, la seule marque de bière toujours évidente dans Été précoce, Équinoxe d'automne, Bonjour, se trouve Asahi. 

Dans bonjour, à un moment nous découvrons l'affiche d'un film français "les amants" (probablement de Louis Malle - 1958).




à l'occasion des restaurations en 2K* et 4K* (restauration inédite pour ces derniers) de ses 10 derniers films. En 2K pour les couleurs et 4K pour les noirs et blancs. La restauration semble être datée de 2012 (en générique de fin pour équinoxe d'automne en tout cas).

lundi 13 août 2018

Voyage avec Ozu, podcast

Où l'on apprend l'utilisation systématique d'un objectif fixe de 50 (il semblerait que cet objectif "déformerait" le moins, serait plus près de l'oeil humain), l'utilisation de la caméra au ras du tatami pour filmer au plus près la famille japonaise dans son intérieur traditionnel...


mercredi 1 août 2018

Mois de juillet : trois expositions sur l'Asie 3/3 : Le monde vu d'Asie - Au fil des cartes



Le monde vu d'Asie - Au fil des cartes :

Exposition consistante que celle-ci qui nous amène à adopter un autre point de vue que l'Occident pour regarder le Monde au travers de ses cartes mais pas uniquement, l'exposition s'autorisant quelques détours avec, des estampes japonaises représentant l'étranger par exemple.
Les objets exposés ne s'éloigneront ainsi pas du titre fondamental : la représentation du monde vu d'Asie.

Les cartes exposées seront d'abord là pour représenter un état allégorique du monde (avec la montage sacrée Meru au centre, par exemple), avant de devenir de plus en plus précises avec le développement des connaissances et techniques (échanges avec l'occident, etc...).

Elle se feront le témoin de l'histoire comme l'inclusion de Hokkaidô dans le Japon à partir du 19e siècle, mettant au centre l'Asie assez souvent.

Les cartes de villes ou de lieux seront aussi très intéressantes, comme cette carte du château d'Osaka que je regrette de ne pas avoir vu reproduite dans le catalogue de l'exposition car cette dernière est fascinante de par sa conception.

En effet, avec le château au centre, chaque bord de cette carte rectangulaire est identifiée par un point cardinal (un caractère correspondant au Nord, Sud, Ouest, Est), et les légendes orientées (par quart) vers chaque bord de carte. Ainsi la lecture de cette carte est adaptée quel que soit le chemin (Nord, Sud, Ouest, Est) par lequel on est arrivé.

Cette vision relativiste s'adaptant au lecteur de carte se retrouve dans le Japon moderne où des plans locaux affichés dans une ville ne seront pas forcément orientés systématiquement au Nord, mais selon la position du lecteur.

Aussi, il est dommage de ne pas avoir eu plus de contexte sur cette utilisation. Ni la présence de cette carte dans le catalogue de l'exposition.

La suite de l'exposition, sans pour autant abandonner les cartes en tant qu'objets de présentation, laissera une place à la vision de l'étranger à partir de l'Asie, notamment au travers de l'école de Yokohama, et ses représentations de lieux lointains... Bien proche des japonais... Il y a une forte similarité avec la démarche d'anticipation en SF : prendre ce que l'on sait pour base et extrapoler.


En conclusion une exposition passionnante à découvrir.


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Perspective Sinon-centrée




Plans des quartiers d'Edo








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Détail d'une carte ancienne, Hokkaidô n'est pas encore le Japon :



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Plan du château d'Osaka, orienté selon le lecteur :


Caractère de l'Est (東
les légendes à droite et un peu au dessus
 sont orientées pour le lecteur venant de l'Est
De même pour chaque côté


Caractère du Sud()


Caractère du Nord ()

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Au-delà des cartes : "l''ailleurs en images" - l'école de Yokohama (1860-1868)

Portraits d'hommes et de femmes de tous les pays  :




Le français, avec le verre de vin :-)




Une certaine analogie avec l'anticipation en sf, extrapoler à partir de ses connaissances pour représenter une réalité : 





Premier plan japonais de Paris :