lundi 23 décembre 2013

Tel père tel fils de Kore Eda Hirokazu

J'ai eu la chance de voir ce film, prix du jury à Cannes, en avant-première dans le cadre de Rendez-vous avec le Japon à la Pagode. Sa sortie en salles est programmé pour le 25 décembre. Une période pas évidente pour un superbe film. J'espère que les programmateurs lui laisseront le temps de trouver son public. En raison de la réputation et de la présence du réalisateur, la salle fut complètement remplie, et la soirée placée sous le signe des peoples avec Audrey Pulvar (partie avant l'entretien avec Kore Eda Hirokazu), Lilian Thuram et une autre personne que je n'ai pas reconnu...
Le réalisateur dira quelques mots avant le début du film et plaisantera sur une actrice avec qui il avait déjà déjeunez, sans se souvenir de son nom... "Ah oui, Catherine Deneuve."... Un peu cabotin notre Kore Eda...



Synopsis : Ryoata, un architecte obsédé par la réussite professionnelle, forme avec sa jeune épouse et leur fils de 6 ans une famille idéale. Tous ses repères volent en éclats quand la maternité de l'hôpital où est né leur enfant leur apprend que deux nourrissons ont été échangés à la naissance : le garçon qu’il a élevé n’est pas le sien et leur fils biologique a grandi dans un milieu plus modeste… 

Tel père, tel fils ("soshite chichi ni naru" en japonais, ce qui signifie "et je deviens père") est un film sensible, tout en nuance, ce que la bande annonce - un peu trop explicite sans doute - ne reflète pas complètement. Sur le thème de l'échange d'enfants à la naissance, entre des familles très différentes, Kore Eda nous dessine une histoire* bien différente de "La vie est un long fleuve tranquille" et portée sur les liens du cœur et du sang. 

Ici l'idée de départ du réalisateur se base sur son questionnement personnel** : Kore Eda s'interrogeait sur ce qui constituait le fait d'être père (il a une fille), alors qu'il était très souvent absent du domicile en raison de son travail. Et lorsque Masaharu Fukuyama (l'acteur de Galiléo) lui fit part de son désir de travailler avec lui, Kore Eda lui demanda quel genre de rôle il voulait jouer. Masaharu répondit alors : "je n'ai jamais joué de père".

Le film est donc traversé par cette forme de questionnement : est-ce le père qui fait le fils ou le fils qui fait le père. Le personnage principal, joué par Masaharu, est celui qui va le plus voir ses convictions bouleversées et passer de la première proposition à la deuxième. 

L'opposition entre les deux familles est aussi fascinant ce qu'il montre deux "petites fabriques des individus" bien différentes l'une de l'autre : dans un cas un père absent, assez stricte, dans l'autre un père présent, un peu copain, et plus souple. Mais le réalisateur ne prend pas parti pour l'une ou l'autre  de ces familles et montre que l'amour est bien présent partout. Il est par contre très courageux de mettre en avant un message pas forcément évident au Japon.

Les acteurs sont parfaits dans leurs rôle : Masaharu, mais aussi Lily Franky (photographe, auteur du roman autobiographique "La tour de Tokyo"), le deuxième père ou les mères et les enfants...

Au final, un film émouvant***, délicat à avoir et à revoir.

* fait divers au Japon : il y a bien eu des échanges d'enfants il y a des années.

** propos issus de l'entretien avec le réalisateur, après le film

*** j'ai été sensible à ce père absent, ce qui m'évoque mon propre passé, mais ceci est une autre histoire...