samedi 17 janvier 2009

Petite analyse sur la TV japonaise

 Le petit écran, capable du pire comme du meilleur, reste un miroir de nos sociétés qu'il est intéressant de mettre en lumière.

Aussi, qu'en est-il de la télévision japonaise? Au-delà du reflet déformant donné par nos médias français, penchons nous sur ses spécificités.

I- Une séparation entre chaines culturelles et chaines de divertissement

A l'instar de la France (F5 et Arte), le paysage audiovisuel japonais comporte une division entre un réseau de chaînes publiques orientées vers la culture et le savoir (les diverses déclinaisons de la NHK au Japon) et des chaînes commerciales (dont son grand représentant, Fuji TV).

Les chaînes publiques japonaise sont également financées par une redevance TV (explication de la NHK en français), laquelle semble être perçue avec une efficacité moindre qu'en France. Il ne semble pas rare de refuser de la payer (voir cette discussion).


II- la publicité: "le nerf de la guerre" des chaînes privées

Si les chaines publiques ne disposent pas de coupures publicitaires pendant leurs émissions (il faudrait vérifier si elles ne subsistent pas entre les différents programmes), les chaînes privées sont massivement envahies par les les entreprises qui financent ces programmes par le sponsoring ou la diffusion de spots publicitaires.

A- Des transitions réservées à l'annonce des sponsors

Si en France la publicité est précédée d'un écran intermédiaire, il n'en est rien au Japon: la rupture se fait sans transition et passe directement de l'émission à la plage de publicité.

Les seules "transitions" semblent être celles de présentation des sponsors de l'émission en question:
- une fois vers le milieux du programme (cette émission vous est présentée avec le soutien de [marque X] - koko made ha goran no sponsor no teikyo de okurishimasu [Marque X]);
- à la fin du programme (cette émission vous a été présentée avec le soutien de
[marque X] - kono bangumi ha goran no sponsor no teikyo de okurimashita [marque X]).
L'émission continue sa diffusion, mais le son est diminué avec la présentation par une voix des principaux sponsors (3,4) et l'affichage de la liste de la totalités des entreprises ayant parrainé ladite émission.

B- un accent mis sur la répétition

Une des caractéristiques intéressantes de la publicité japonaise est la répétition dans une même plage de pub du même spot ou de spots légèrement différents mais sur le même produits (l'un à la suite de l'autre ou en début et fin de plage).

Les sponsors sont d'ailleurs souvent présents dans la plage de publicité d'une émission qu'ils soutiennent (on peut penser à "inaka ni tomarou" et les camions Isuzu très présents dans la plage de pub... Isuzu étant l'un des sponsors du dit programme).

C- susciter l'attente et le désir

Avec ces nombreuses coupures il faut gérer l'attente et le désir du spectateur de voir la suite d'une émission, éviter qu'il ne décroche. La solution? Des courtes préview de ce qui l'attend après la coupure pub ou la coupure à un moment critique: l'apparition d'un invité, une explication attendue, etc... Ces scènes sont cachées d'une mosaïque ou d'un rond marqué du caractère "HI, hi(meru) - tenir secret"  (秘) à l'endroit stratégique...

D- des publicités sur l'alcool

L'industrie des boissons alcoolisées est un commerce sans doute trop important pour pouvoir se passer de ces annonceurs. Une mention, semble-t-il obligatoire,rappelle que l'alcool n'est consommable qu'à partir de 20 ans.

Par contre pas de publicité sur le tabac.

Un exemple de publicité pour le whisky Suntory avec l'actrice top modèle koyuki:



Tiens, cela me donne envie d'aller boire du Whisky...

III- Un paysage audiovisuel dominé par des émissions de divertissement et la présence des "talento"

Les émissions de divertissement sont fort nombreuses et connaissent une fortune diverse: les plus chanceuses pourront durer une bonne dizaine d'année, d'autres disparaîtrons au bout d'une saison.

Sans dresser un typologie exhaustive des thématiques de ces émissions, on relève en général: des jeux, des programmes quiz (apporter des connaissances sur des sujets plus ou moins triviaux: - les anciennes émissions trivia ou riyû aru taro), les voyages (l'ancienne émission ururun, hashire postman,etc...), la vie de japonais à l'étranger (nombreuses émissions: comment font-ils pour survivre hors du japon.), et le divertissement pur avec des comiques.

La particularité principale de ces émissions par rapport à la France est la présence de "talento", personnes de télévision, un peu touche à tout (un brin de comique, d'acteur ou de chanteur) qui fait office d'invité professionnel. Le talento possède un petit gimiq, une phrase à lui qui fait rire. Il est souvent venu à la télévision grâce à un sketch comique qu'il repasse en boucle. Sa longévité sera notamment fonction de sa personnalité plus que de ses réalisations.

Reprenons un extrait du texte de Xavier Guilbert de l'ancien site "karoshi reports" (n°67) pour mieux cerner le rôle du Talento:

Ils sont pourtant bien nombreux, les talento qui naviguent d'émission en talk-show, faisant parfois un petit détour par les écrans publicitaires. Au passage, ne vous laissez pas leurrer par cette appellation – le seul « talent » que l'on puisse leur reconnaître généralement, c'est d'être suffisamment télégéniques et drôles pour avoir le droit de revenir la semaine suivante. Pas vraiment acteurs (même s'il leur arrive de tourner dans un drama), rarement chanteurs (ce qui ne les empêche pas de pousser la chansonnette à l'occasion), parfois comiques ou piquants, ils font partie d'un petit monde doré, d'un Olympe où chacun rêve de se retrouver un jour. Certains sont là depuis une éternité et ne sont visiblement pas près de disparaître, alors que d'autres connaissent des carrières dignes d'une étoile filante.

Ces émissions sont produites dans un joyeux bordel:

Micro qui dépasse, reflet du caméraman, lequel pourra apparaître de nombreuses fois de façon fugitive à l'écran. L'approximation permet sans doute d'augmenter l'identification avec le talento, invité vedette qui pourrait... être nous. A ce propos reportez vous à l'article n°23 du karoshi reports, toujours d'actualité 10 ans après.

IV- Les téléséries locales ou "doramas", principales sources de fiction à la TV

La fiction locale à la TV japonaise  est bien plus présente qu'en France.

Bien qu'il existe des séries possédant une plus grande longévité (comme kita no kuni kara), les doramas sont en général caractérisés par un format de 9 à 12 épisodes par saison, chaque épisode durant 45-50 minutes en moyenne.

Si la série rencontre un petit succès, elle bénéficiera de 2 à 3 saisons supplémentaires (pas forcément consécutives), d'épisodes spéciaux (d'une durée plus longue), voir d'une consécration au cinéma (comme tokumei kakarichô, trick...).

Les doramas portent notamment sur la vie moderne, l'époque ancienne (jidaigeki), les histoire à suspense (policiers, romans noirs, etc...)...

Parmi les thèmes récurrents des doramas modernes , on peut noter: la vie scolaire (lycée, université), la vie en entreprise, les relations amoureuses, etc...


Il y a sans doute beaucoup à ajouter sur les caractéristiques de la TV japonaise (comme son rapport avec les pouvoirs en place ou son attitude face à la politique internationale, voir ici sur ce blog) .


Annexe:


La liste présentée ci-dessous comporte les principales chaînes à diffusion nationales de l'Archipel, toutes apparues (pour ce qui est de la diffusion TV) dans les années 50 (à comparer avec le nombre de chaînes françaises à cette époque). Elle ne prend pas en compte les chaînes à diffusion locale (tel que tokyo TV) ou web télé, etc.

* Fuji Television Network, dite "fuji TV" (フジテレビ) : Société créée en 1957 et premières diffusions en Mars 1959. Le siège se trouve à Odaiba. Fuji TV, chaîne à diffusion nationale, semble être le leader au Japon de la TV grand public et reste orientée dans les programmes de variété (67% des programmes sont des émissions de variété dans les plages horaires de "prime time" [19h-23h] selon une étude en septembre 2009 - sources site de la chaine).

* Asahi TV

* Tokyo Broadcasting System, ou "TBS": la radio est lancée en 1951 et les premières diffusions de la TV en avril 1955. Le siège se trouve à Akasaka.

* Nippon Television Network ou "nippon tv/NTV": Société créée en Octobre 1952 et premières diffusions en Août 1953. Le siège se trouve à shinbashi (Tokyo).

* Nihon Hôsô Kyôkai ou NHK:  la NHK est l'entreprise publique qui gère les télévisions et radios publiques japonaises. Les premières émissions de radio datent de 1925 et  les premières diffusions de TV en 1953. Elle comporte 5 chaînes de TV nationales et est diffusée à l'internationale (NHK world). 85% de la redevance assurerait son financement selon wikipédia.

5 chaînes:
NHK généraliste
NHK éducative
BS1 information & sport
BS 2 culture et divertissement
BS hi haute définition

PS: note cet article est basé sur ses impressions personnelles face à la TV japonaise et aux informations issues des sites des dites chaînes.