Synopsis : Dans un futur proche, le Major est unique en son genre: humaine sauvée d’un terrible accident, son corps aux capacités cybernétiques lui permet de lutter contre les plus dangereux criminels. Face à une menace d’un nouveau genre qui permet de pirater et de contrôler les esprits, le Major est la seule à pouvoir la combattre. Alors qu’elle s’apprête à affronter ce nouvel ennemi, elle découvre qu’on lui a menti : sa vie n’a pas été sauvée, on la lui a volée. Rien ne l’arrêtera pour comprendre son passé, trouver les responsables et les empêcher de recommencer avec d’autres.
- Attention : quelques spoilers -
Ghost
in the shell ou 攻殻機動隊, Kōkaku kidōtai, est une une oeuvre colossale de
la SF cyberpunk des années 90 : d'abord un manga (89-97) de Masamune
Shirow, puis des déclinaisons animées dont le premier film au cinéma de
Mamoru Oshii....Avec ses divers opus, il constitue un univers original
mais comportant quelques incohérences toutefois.
J'ai eu l'occasion d'aller voir l'adaptation "live",
réalisée par Rupert Sanders en 2017 - à qui l'on doit également Blanche
Neige et les chasseurs (une grosse production hollywoodienne standard)
-. J'étais assez dubitatif avant de rentrer dans la salle de cinéma,
m'interrogeant sur la capacité à matérialiser en cinéma US cette oeuvre
colossale de la SF cyberpunk qui fusionne les problématiques d'alors :
sociétés hypertechnologiques, éclatement du pouvoir politique, émergence
des cyborgs et IA...
Il
faut avouer aussi que j'avais été très étonné en découvrant le casting,
avec au premier plan Motoko jouée par Scarlett Johansson - la crainte
d'y voir un white washing, ne me rassurait pas non plus * -.
J'ai
toutefois souri à Takeshi Kitano en vieux badass et apprécié sa
présence**, m'évoquant ses anciens rôles de porte flingues... Juliette
Binoche n'était pas désagréable non plus.
J'en
suis ressorti partagé avec le sentiment d'avoir assisté à une assez
bonne digestion hollywoodienne, mais en manque de génie.
D'abord
la réalisation, de nature vidéo clipesque, qui achoppe sur la longueur
des scènes et créé le plus souvent des vignettes successives sans
permettre au spectateur une immersion véritable, ce qui faisait la force
du film animé de 1995.
A
l'intérieur de ces vignettes, la ville du futur (avec des faux airs de
blade runner) est fortement mise en valeur, comme un personnage à elle
toute seule... Et parfois trop, en surreprésentation, gâchant encore
plus les moments d'immersion nécessaire, comme la scène où Mokoto plonge
dans la baie.
Aussi,
la présence des interdits hollywoodiens atténue le sens et les
thématiques du film. Un exemple : le remplacement du corps nu (en
apparence très humain) de Mokoto Kusanagi par une combinaison, dans la
première scène d'action. La pruderie en vogue applique ainsi un filtre à
une oeuvre géniale, en oubliant le point important : la vision de ce
corps nu, très humain en apparence, constituait une représentation
symbolique de l'atténuation des frontières entre l'homme et la machine.
Le film possède également la volonté de prendre en main le spectateur,
de lui donner toutes les clés du monde par des textes de mise en
contexte ou des explications données par les personnages. L'immersion
est encore une fois sacrifiée sur l'autel de la compréhension de tous.
Quant
à l'histoire nous retrouvons les inconvénients de cette digestion
imparfaite avec un scénario qui semble prendre des éléments des
différents opus et impose une vague d'histoire d'amour, ou apporte une
vision plus manichéenne des dangers de la technologie (polarité entre
excès de la technologie et rebelles).
Le
scénario fonctionne en tout cas, et hors de contexte des oeuvres
originales, nous aurions un assez bon film de SF bien formaté grand
public : les images sont jolies, le casting joue bien, l'histoire se
déroule sans accrocs
Quant
au sens de l'oeuvre, le film se détourne du propos de ses
prédécesseurs, avec une Mokoto amnésique, obsédée par la recherche de
son passé, clé de son identité, lui permettant de définir ce qu'elle est
(cadré par deux phrases sentencieuses de Binoche et Kitano), nonobstant
son caractère de cyborg.
L'histoire appuie d'ailleurs un rôle d'asservissement donné par la technologie : celui des puissants qui la maitrisent.
A
l'opposé, le film d'animation de 1995 se positionnait beaucoup plus
dans la recherche de la nature humaine dans ces sociétés
hypertechnologiques (la fusion entre l'IA et Mokoto dans cette fiction
tiens plus de l'évolution dans la continuité).
Hollywood
s'est sans aucun doute mépris sur le sens à apporter aux oeuvres
précédentes, peut-être par manque de connaissances du contexte culturel
nippon.
C'est
qu'au Japon il n'y a pas de rapports hostiles à la technologie (à
l'inverse de l'occident) : cela se remarque dans les fictions et
légendes et légendes (ici : le golem, l'île du Dr Moreau, le monstre de
Frankenstein, terminator, etc...) ou les religions qui influent sur le
rapport au monde (le shintoisme, dans lequel toute chose peut receler un
kami VS les religions du livre qui opèrent une frontière bien nette
entre l'homme et le reste).
En
conclusion, si l'adaptation hollywoodienne a échoué à transposer l'âme
de l’œuvre originelle, elle constitue une itération formelle simplifiée
mais intéressante.
* mais "ce visage" peut trouver une explication avec le scénario.
**
Kitano est l'unique acteur parlant en japonais dans tout le film. Cette
curiosité n'a pas facilité la séance pour certains amis (japonais).
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